Cinémathèque Française, 5 mars-15 avril 2009-
RETROSPECTIVE JORIS IVENS .www.cinemathequefrancaise.com
Il y a vingt ans, Marceline Loridans -Ivens conviait chaque année durant une matinée au cinéma Max Linder une foule dense et joyeuse, les nombreux amis du cinéma d’Ivens à venir voir des films de Joris Ivens. La projection était suivie d’un buffet toujours délicieux et très chaleureux.Ce rituel convivial avait pour but de faire connaitre l’œuvre de Joris Ivens et d’aider à la conserver et restaurer.
Espérons qu’ils seront nombreux ceux qui prendront le chemin de la Cinémathèque Française pour, aujourd’hui encore, découvrir ses films.
Hommage à Joris Ivens en mars à la Cinémathèque Française.
La Cinémathèque Française rend également hommage à
Pierre - André Boutang. .
5 mars -15 avril : rétrospective de l’œuvre de Joris Ivens à la Cinémathèque Française, en présence de Marceline Loridan.
Marceline Loridan fut la complice et l’épouse de Joris Ivens.
Elle a co-réalisé de nombreux films avec lui, au Vietnam et en Chine. En 2002, elle réalise son film La Petite prairie aux bouleaux.
Récemment, elle publiait ses mémoires sous le titre Ma vie balagan (Editions Robert Laffont)
Chronique d’un été, film de Jean Rouch et Edgar Morin.
Paris, été 1960, Edgar Morin et Jean Rouch interviewent des parisiens sur la façon dont ils se débrouillent avec la vie. Le film est également un questionnement sur le cinéma documentaire : cinéma-vérité et cinéma-mensonge. Marceline Loridan-Ivens y interprétait son propre rôle *
Photographie : Roger Morillère, Raoul Coutard , Jean Jacques Tarbès, Michel Brault. Avec Marceline Loridan, Mary Lou , Angelo, Jean-Pierre Jacques (ouvrier) , Jean (ouvrier) et Régis Debray
- Joris Ivens,filmer les tempêtes
© Laura Laufer.
Guerre, révolution sociale, hymne à la nature, Joris Ivens témoigne de son temps dans la tourmente du siècle. Celui qui fut le premier grand documentariste du cinéma militant mondial interroge jusque sur le plan esthétique la responsabilité de l’artiste.
Avec le vent, la terre et l’eau des tempêtes, le souffle d’Ivens nous revient. Une oeuvre forte qui unifie le poète et le militant en un seul mouvement cinématographique. La caméra d’Ivens chante et lève le poing.
Né en Hollande en 1898, ce fils de photographe part à Dresde en 1924 étudier la photochimie. Il y rencontre le mouvement ouvrier en lutte. Influencé par le montage du Soviétique Vertov et de l’Allemand Ruttmann, Ivens tourne en Hollande ses ciné-poèmes La Pluie (1928) et Le pont (1929). Le premier saisit à l’improviste Amsterdam sous la pluie dans l’éclat de la vie et de la lumière, le second, par la représentation d’un pont d’acier, met en mouvement des formes géométriques abstraites. Ivens filme d’abord la réalité puis monte ses plans en véritable symphonie visuelle au lyrisme très personnel.
Réalisé avec Henri Storck en 1933, le tournage de Borinage sur la grève des mineurs belges déclenche une réelle manifestation interdite par la police. L’effet du film décide Ivens à devenir le véritable globe-trotter de la révolution mondiale.
Le "Hollandais volant" part, caméra pour arme, au côté des peuples et travailleurs en lutte. Avec Bertolt Brecht et le musicien Hanns Eisler, il réalise Nouvelle Terre (1934), où le fracas poétique de la terre et de la mer dans le combat de l’Homme pour l’assèchement par la construction d’une digue finit dans le chaos économique qui jette alors des millions de chômeurs dans la famine. Le film sera interdit dans de nombreux pays, ou coupé.
Suivent Terre d’Espagne (Espagne, 1937), 400 Millions (Chine, 1939) Le Pouvoir et la terre (Etats-Unis, 1940). Sa Bataille de Chine (contre le Japon) devient un épisode du Pourquoi nous combattons de Capra (Etats-Unis, 1942). Le gouvernement hollandais le nomme haut commissaire de son cinéma ; en 1946, Ivens rompt tous ses contrats quand l’Indonésie se lève pour sa libération nationale. Il part tourner Indonesia Calling avec les dockers en grève et les marins en lutte contre le colonialisme de son pays natal.
En 1961, on le retrouve à Cuba pour Peuple en arme puis à Valparaiso au Chili. Sur le front du Viêt-nam, il réalise Le Ciel de la Terre, Le 17e parallèle, Rencontre avec Ho Chi Minh (1965-1969).
Ce réel engagement de terrain s’est doublé de films de propagande officielle, sans critique, de l’URSS de Staline et des pays satellites. Telle la nature dans ses films, les lendemains chantent. Naïveté ou cécité ? Le "progrès" sur la route du socialisme semble inébranlable ! Komsomol (1932), Dimitrov (1935), Les Premières Années, La Paix vaincra, L’Amitié vaincra…(1947-1952). Ivens frôle le "réalisme socialiste" jdanovien mais certaines séquences très personnelles et poétiques le sauvent de l’hagiographie et du confit académique.
Années 1960, Ivens rompt avec l’URSS et célèbre une Chine quasi idyllique où percent quelques nuances. Ces années chinoises coréalisées avec Marceline Loridan se révèlent passionnantes et constituent le premier grand témoignage sur la Chine de la révolution culturelle avec Comment Yukong déplaça les montagnes (12 heures, 11 films).
Jeune, Ivens saisissait la beauté des moulins à vent de Hollande. En 1965, il chantait Le Mistral qui naît, court, claque et transforme dans son tourbillon hommes et paysages de Provence. En 1989, sa superbe crinière blanche défie encore éole en Chine dans Une histoire de vent, film ultime et magique.
Son Chant des fleuves (1954), alors interdit dans les salles de France, devait s’appeler Le Septième Fleuve. Optimisme forcené et foi, le septième fleuve, disait Ivens, c’est la classe ouvrière : "Le seul fleuve qu’aucun barrage ne peut arrêter dans sa marche."
Laura Laufer.