La sortie de Carmel d’ Amos GITAI dans une seule salle -on se demande vraiment pourquoi !-, la réédition de The Logder d’Alfred Hitchcock, telles sont les actualités du site .
Rencontre d’Amos GITAI avec le public : Carmel au Reflet Médicis. 19 octobre 2010.
CARMEL d’Amos Gitaï : Archéologie d’une mémoire, lire page suivante.
— THE LODGER, Alfred Hitchcock (1926).
Semaine du 24 novembre 2010 : Action Christine. 75005 et en Ciné-concert en province. Vérifiez vos programmes !
A Londres, Jack l’Eventreur assassine des jeunes femmes blondes. Le nouveau locataire qui a pris pension dans la maison des Jackson est - il le criminel ? Pour vous plonger dans le bain de sang, Laura vous fait entendre le premier épisode du texte de Robert Desnos Jack l’Eventreur, 1928.(Ed. Carnets de l’Herne 2009). Une évocation des crimes de Jack l’Eventreur, parfait contrepoint hors champ du chef d’œuvre d’Hitchcock. Prochain épisode, très bientôt...
The Logder est présenté actuellement en ciné-concerts dans plusieurs villes lire page suivante.
CARMEL d’Amos Gitaï . Archéologie d’une mémoire.
Le film s’ouvre par la voix de Jeanne Moreau sur une lettre poème d’Efratia Gitaï puis nous voyons Amos Gitaï marcher en silence, sur une plage au coucher du soleil. Insistance, répétition, alternance, intermittence : sa silhouette va et vient par la magie de l’image. Pas vraiment d’errance ici, mais plutôt une gravité dans les pas, signe d’une plongée en soi-même. Contrastant avec le silence de ces pas, se déploie puissante, ample, sereine, intense, la musique du "Titan", cette superbe symphonie de Mahler et, à cette ouverture, succède la brutale irruption du vacarme de l’Histoire par l’évocation du récit que Joseph Flavius livra de la guerre que Rome fit aux Juifs. Sombre séquence où le son des glaives et des casques se mêle aux cris des bourreaux et des victimes, de ceux qui fuient ou tombent. Chocs de métal, de chevaux, de feu, de massacres et de morts. A la Guerre succèdent deux images d’aujourd’hui, de calme et de paix, où le soleil rayonne sur un fragment de terre, puis de murs. C’est ainsi que commence Carmel.
Mosaïque, poème et simultanéisme. Le film tient du fragment autant que de la composition d’un mouvement d’ensemble. Tissage ou entrelacs, séparation ou discordance. Pour ces deux derniers, je songe aux soliloques dans le garage car dans cet espace qui réunit dans le même temps le Palestinien et le cinéaste, s’engouffre tout le présent schizophrène de la terre d’Israël. Gitaï explore une nouvelle fois l’identité de ce lieu où il est né et où il a grandi parmi d’autres enfants en édifiant le kibboutz, là où sur la même terre chaque arbre abattu signe autant de plaies béantes faite aux Palestiniens par l’extorsion, la destruction et le massacre. Racines : d’un côté l’arrachage, de l’autre l’implant.
Amos Gitaï après la trilogie d’House, entreprend de nouvelles fouilles. Par strate, chaîne, association, confrontation, rupture, celles-ci puisent dans les sources familiales, dans l’intime et empruntent à des supports multiples tels le poème, la photographie, le film, la lettre. Evoquant sa mère, convoquant sa fille et son fils, avec amour, Carmel est autant le film autobiographe d’un fils que d’un père, l’archéologie de la propre mémoire du cinéaste, le regard sur le présent comme sur le passé. Carmel compose le premier opus d’une série de films envisagée sous la forme libre de l’essai par Amos Gitaï et où à travers ses souvenirs, nous voyons surgir dans une belle simultanéité, destin personnel, poésie et Histoire.
Laura Laufer ©
Le Reflet Médicis est la seule salle qui programme le film à Paris.
A lire : Efratia Gitai : Correspondance 1929-1994 Gallimard, Paris, 2010
The lodger, Alfred Hitchcock (1926).
Semaine du 24/11/2010 à l’Action Christine. Paris 75005.
A Londres, Jack l’Eventreur assassine des jeunes femmes blondes. Le nouveau locataire qui a pris pension dans la maison des Jackson est - il le criminel ? Pour vous plonger dans le bain de sang, Laura vous fait entendre le premier épisode du texte de Robert Desnos Jack l’Eventreur, 1928.(Ed. Carnets de l’Herne 2009). Une évocation des crimes de Jack l’Eventreur, parfait contrepoint hors champ du chef d’œuvre d’Hitchcock. Prochain épisode, très bientôt...
The Logder est présenté actuellement en ciné-concert dans plusieurs villes de France ; vérifiez vos programmes !
The Lodger une histoire nappée de brouillard londonien et inspirée de la figure mystérieuse de Jack l’Éventreur.
- Le texte suivant légèrement remanié est extrait d’un texte plus complet sur les films anglais d’Hitchcock que j’ai écrit pour la revue de cinéma Trafic (cf. " Le chant d’Ariel ", n° 41, printemps 2002, p. 26 à 37. Ed. P.O.L.
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Hitchcock est un des plus grand créateur de forme cinématographique et The Lodger film incontournable, novateur et de grande beauté fait date dans le film de genre comme dans l’œuvre d’Hitchcock.
L’œuvre du maître du suspens, souvent imitée, demeure unique. Sous l’apparence du divertissement populaire, elle possède une grande complexité par sa vision philosophique dont Eric Rohmer et Claude Chabrol dans leur remarquable livre Alfred Hitchcock, première exégèse de référence sur l"art du cinéaste, comprennent la nature métaphysique. (Alfred Hitchcock Ed. Ramsay Poche Cinéma)
Cinéaste anglais d’éducation catholique, Hitchcock croit en l’état originel de culpabilité de l’homme par le péché de chair où la faute est généralement punie par le châtiment .
Dans son cinéma de conception métaphysique, l’action décrite est déterminée par une logique interne rigoureuse, trajectoire d’une vérité en suspens dont la révélation libère la nature de l’être et du monde.
Pour que l’aventure hitchcockienne livre toute sa philosophie, il aura fallu aux héros créés par le cinéaste qu’ils soient d’abord immergés dans le concret du monde puis frappés de plein fouet par les périls qui les guettent, accusés à tort de crime avant que d’être sauvés par l’établissement des preuves et la révélation de la vérité.
The lodger est le premier film où s’affirme de manière éclatante la forme hitchcockienne intimement liée à la problématique du faux coupable et à celle de la vérité révélée. Ici, le locataire, première grande figure de faux coupable dont la lignée sera prolifique dans l’œuvre du cinéaste, est un héros de figure christique.
Film muet de la première période britannique de l’œuvre du cinéaste, The lodger porte en français le titre Les Cheveux d’or ; celui de Le Locataire aurait mieux convenu car plus fidèle au sujet et à la forme de l’œuvre originale.
Le récit de The Lodger commence à Londres, par temps de brume opaque, illustration parfaite de ce que nous annonce le titre anglais, The Lodger, A Story of the London Fog (1926).
• « J’ai filmé quinze minutes d’une fin d’après-midi d’hiver à Londres » confiera d’ailleurs Hitchcock à
François Truffaut dans le livre d’entretiens célèbres qu’ils eurent tous deux (cf. Hitchcock/Truffaut ou Le Cinéma selon Alfred Hitchcock, 1966 chez Robert Laffont).
Dans The lodger, le héros, venu de nulle part, porte grande cape noire, large chapeau, haute écharpe. Il habite en réalité une splendide demeure londonienne. A sa mère mourante, il fait serment de rechercher « the avenger », criminel maniaque, assassin de sa soeur. Il repère que les crimes sont perpétrés dans un même quartier, y loue une chambre et sera bientôt soupçonné d’être lui-même l’avenger. Tout cela, nous ne le découvrons qu’à la fin du film.
Cinq ans avant M, le célèbre Maudit de Fritz Lang, Hitchcock montre dans son film comment l’induction conduit les pas du personnage et, visualisée par le graphique d’un triangle sur un plan de la ville, cette induction fournira la résolution des crimes. Là se situe dans The lodger le point de convergence d’une action maintenue constamment hors champ, la traque d’un criminel que nous ne voyons pas et celle que mène simultanément la police.
Hitchcock — de même que Fritz Lang — visualise concept et action dans des signes présents dans l’image. Dans M, la pulsion de meurtre qui envahit « le maudit » est symbolisée nettement par le losange, la spirale et la flèche. Dans The Lodger, le lieu où agit cette même pulsion de meurtre est désigné par un triangle où le héros doit entrer, au péril de sa vie, pour que la vérité se fasse jour. L’usage par Hitchcock de la symbolique géométrique de ses sujets triomphera plus tard dans les magnifiques génériques confiés à Saul Bass pour Vertigo et Psycho.
Le point de vue du héros n’est pas le centre focal de The Lodger. Le cinéaste préfère nous donner à voir comment la psychose produite par les crimes de l’avenger pénètre la ville. Il rejoint en cela la démarche déjà adoptée par Lang dès les années vingt (je songe au Mabuse de 1922 et aux Espions) et reprise plus tard dans M. N’oublions pas à ce propos, qu’en 1925, Michael Balcon produisait The pleasure Garden (Jardin du Plaisir) qu’Hitchcock tournait aux studios de la UFA en Allemagne alors que le cinéma expressionniste et le kammerspiel film atteignent leur apogée.
Ainsi, dans The lodger et dans l’ordre de leur apparition à l’écran nous voyons, d’abord, la peur envahir les habitants du quartier où le crime s’est produit, puis le relais pris par la presse qui répand la nouvelle dans Londres et enfin l’entrée de cette nouvelle dans l’intimité d’une famille modeste, celle des Jackson. C’est là que le locataire (The lodger) réalise une véritable descente dans un univers social qui n’est, à l’origine, pas le sien et où il rencontrera l’amour.
Dès le générique, nous découvrons un fragment de pont - probablement le Pont de Londres- qui s’ouvre et se ferme, vu en contre - plongée. Apparence très graphique de cette image, d’autant que sur la gauche de l’écran s’inscrit le titre, The Lodger. A Story of the London Fog, puis une femme crie. Un corps gît sur le pont brumeux. Une simple habitante du quartier a vu l’assassin s’enfuir. Hitchcock nous montre cette dernière, sac à provisions à la main, mal fagotée, au bord de l’évanouissement. On l’entraîne boire dans un estaminet de plein air. Le petit groupe d’hommes et de femmes qui l’entourent ne porte ni manteau, ni imperméable. Sortent du lot un journaliste bien vêtu et un policier en uniforme. La presse s’empare du crime et nous voyons une imposante rotative à l’œuvre avant que ne partent aux quatre coins de Londres, les vendeurs de journaux à la criée. C’est ainsi que nous découvrons Monsieur Jackson achetant son journal avant de rentrer chez lui.
La famille Jackson mène l’existence banale de gens simples. La famille Jackson représente le modèle même de cette famille type sans histoire dont nous trouverons la réplique dans de nombreux films du maître du suspens, la plus emblématique de ces familles étant celle de Charlie, héroïne du chef d’œuvre de 1943, Shadow of a Doubt.
Les héros hitchcockiens sont le plus souvent des gens très ordinaires, de catégories sociales différentes certes, mais plutôt dans la moyenne. Gens modestes, employés, gens du spectacle, petits-bourgeois, ils vivent dans une atmosphère dont la tonalité est rigoureusement choisie et construite par le réalisateur aux fins de mieux valoriser l’aventure qui adviendra, brisant le déroulement courant de leur vie.
Dans, la maison des Jackson presque tout se vit dans une seule pièce située en sous-sol et d’aménagement modeste. La mère en tablier y prépare à manger. Le père s’ y lave les mains ; vaisselle, bassine à lessive, pendule coucou, vestiaire , table , évier. On y mange. On y reçoit Joe, policier fiancé de Daisy, la fille de la maison, laquelle sera une des premières femmes typiquement hitchcockiennes. Elle travaille comme mannequin (cf. comme plus tard le personnage de Grace Kelly dans Rear Window, en 1954), n’hésite pas à exprimer son désir pour ce locataire inconnu et affronte pour cela la jalousie de Joe, l’hostilité de sa famille.
Le film est entièrement construit sur le principe de la pénétration de l’espace par le hors-champ : au-delà du cadre de l’image, la seule limite est le brouillard d’où tout renvoie vers le centre de l’écran. Une fois ouverte la porte de la maison au locataire nous ne pouvons voir l’espace situe au-delà d’où précisément viennent les crimes. Seul le prisme de la maison des Jackson reflète les évènements : tout est vu de cet intérieur, unique lieu central ou la simplicité des gens qui l’occupera évoque un peu l’ambiance des films du Kammerpiel. En réalité, les éléments de la narration comme de la mise en scène amplifient la menace, le danger criminel contenus dans le monde extérieur. Le Mal peut-il venir contaminer la modeste maison des Jackson ? D’où la tonalité générale du film qui par le style de la photographie de Hal Young, le costume, le jeu du personnage incarné par Ivor Novello, est encore nettement sous impact expressionniste. Il est vrai que le cinéaste a déjà tourné trois films en 1925 et 1926, aux studios de Munich, produits par Erich Pommer pour la Emelka. Tirant les leçons du cinéma allemand, l’action de deux de ses plus beaux films des années vingt, dès les séquences d’ouverture, s’inscrit très fort dans un décor : la ville (The Lodger. 1926 - prod. Gainsborough ), la campagne (Farmer’s Wife, 1928 _ British International Pïctures port (Manxman, 1929 - British International Pictures ) rejoignant en cela la tendance des films majeurs de l’époque, telle qu’elle aboutira chez Murnau.
Vu une première fois de dos dans un bureau, Hitchcock y apparaîtra de nouveau, portant casquette et veste trop étroite mal assortie au pantalon, au centre de l’écran parmi la foule qui regarde d’une balustrade le lynchage du locataire.