Saison 2016-2017.
Au plaisir de vous retrouver pour le cycle de rencontres : Mémoire de cinéma.Un mardi par mois à 20h 30.
VENEZ à DEUX ! Une place achetée , une place offerte !
http://www.lerex-chatenaymalabry.fr/memoire-de-cinema/
Voici le programme :
Écrit sur du vent de Douglas SIRK. Avec Rock Hudson, Lauren Bacall, Robert Stack, Dorothy Malone. Robert Keith. 1957-vo-stf.
Mardi 18 octobre 2016
« Le mélodrame est totalement irréaliste. Il est l’exaltation des sentiments et par là même la négation du réalisme. Le terme se rattache à la tragédie grecque antique, aux drames d’Euripide, de Sophocle et d’Eschyle. » déclarait Sirk.
De ses chefs - d’œuvre produits à l’Universal, Écrit sur du vent est le plus riche en situations de paroxysme. La collaboration de Sirk avec Russel Metty, un des plus grands opérateurs photo du cinéma, donne une très grande beauté plastique au film par la construction de l’ombre et de la lumière et par une palette de couleurs qui amplifient l’intensité dramatique. Écrit sur du vent contient tous les ingrédients de la série télévisée Dallas (famille, argent, puits de pétrole, alcoolisme, manipulations, rivalités, fausse couche) mais là où le feuilleton donne des images fausses et édulcore, l’écriture de Sirk par sa rigueur, par sa densité et par sa lucidité, rejoint la force et la vérité des grandes tragédies grecques. Ici, la famille des Atrides a disparu, remplacée par celle des magnats du pétrole qui font la fortune ou la décadence des dynasties américaines. Les personnages, se révèlent inoubliables, portés par des acteurs dont les rôles et le jeu s’opposent : d’un côté, le jeu très stylisé d’un Robert Stack au regard intense qu’on dirait aveugle et celui d’extraordinaire incandescence de Dorothy Malone ; de l’autre, la retenue subtile de Lauren Bacall et la tonalité "neutre" de Rock Hudson, seul personnage dont les yeux ont toujours été ouverts sur la réalité.
Wanda Réalisation Barbara LODEN avec Barbara LODEN, Michael HIGGINS. 1970 – vo-stf .
Mardi 22 novembre 2016
Barba Loden s’inspire ici d’un fait divers. La première apparition de Wanda ne séduit pas. Rien ne semble habiter ce personnage qui n’attend rien de la vie et ne lui demande rien. Son mari veut le divorce et la garde de leurs enfants ? Elle se présente au tribunal et aquièsce : " C’est mieux comme ça ». Retourner travailler à l’usine ? On ne veut plus d’elle : « trop lente ».
Quittant le paysage désolé des terrils miniers, Wanda se soumet aux coups du sort et part à la dérive. Elle rencontre Monsieur Dennis, truand raté qu’incarne Michael Higgins, acteur formidable et trop peu vu à l’écran.Il l’entraîne sur la route et en fait sa complice pour des braquages minables. La noirceur du film est atténuée par maints détails ironiques, voire burlesques : l’apparition de Wanda en bigoudis au tribunal, l’achat d’un chapeau… Nous découvrons ici une Amérique pauvre et médiocre, aux antipodes des paysages épiques d’Hollywood. L’opérateur photo Nicholas Proferes, ancien de l’équipe du cinéma-vérité de Richard Leacock, apporte un réalisme de l’immédiateté. Le film s’apparente au « road movie », mais demeure singulier, inclassable. Marguerite Duras à son propos écrit : « Le bonheur n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Il y a comme des cris, mais silencieux ». (M. Duras, Cahiers du Cinéma, n ° 318, décembre 1980).
Madame De… de Max OPHULS. Avec Danielle DARRIEUX, Charles BOYER, Vittorio De Sica. 1953
Mardi 13 décembre 2016
Si le film Gertrud de Dreyer est le diamant blanc du cinéma, Madame De... de Max Ophuls est son diamant noir. Madame De… commence dans la plus grande frivolité et finit dans la gravité. Le désir emporte l’héroïne dans le tourbillon du plaisir, frénésie d’un mouvement qui élève, retombe et la laissera mise à nue et peu à peu anéantie devant le vide. Louise descendue du piédestal, après l’apothéose, s’éteindra lentement autant qu’elle a brillé. Le dernier scintillement du film sera sur ses boucles d’oreilles vendues, rachetées, données, puis rachetées encore avant de devenir les reliques adorées d’un amour gisant, les fétiches pour lesquels Madame De s’est effacée.
Ophuls virtuose montre la transformation des sentiments et la profondeur des passions. Ses personnages sont interprétés par un trio d’acteurs (Danielle Darrieux, Charles Boyer et Vittorio De Sica) au sommet de leur art.
Le Général Della Rovere. Réalisation Roberto ROSSELLINI avec Vittorio De Sica – 1959
Mardi 31 janvier 2017
« L’homme se rêve toujours plus grand qu’il n’est. » Ce film de Roberto Rossellini ne tient pas dans la seule formule de « cinéma chrétien du salut » auquel la critique le réduit. Le héros du film, Bardone est un petit escroc solitaire, inconsistant, prêt à toutes les compromissions. Jeté en prison pour servir de « mouton » aux nazis, il est pris pour le résistant Della Rovere et sa mise en lumière soudaine lui donne une célébrité qu’il n’a jamais eue. Au contact de ses compagnons de prison, il ouvre peu à peu les yeux sur la réalité, prend conscience de leur courage et de leur sort face aux atrocités nazies.
Si l’aventure est d’abord morale, Bardone fait un peu penser à Don Quichotte dont l’héroïsme se mue en folie. Loin d’abandonner le paysage du monde pour le portrait de l’individu, Rossellini met ici le personnage en conflit avec le monde, la réalité de l’occupation nazie, par un traitement documentaire du récit. Le cheminement moral du personnage détermine et crée une esthétique qui interroge l’Histoire. Bardone est un personnage complexe agrandi par les jeux de l’ombre et de la lumière et celui, magistral et troublant de Vittorio De Sica.
Allez coucher ailleurs ! film de Howard HAWKS. Avec Cary Grant et Ann Sheridan.
Mardi 28 février 2017
Afin d’émigrer aux USA, dans le cadre de la loi 271 de 1945, il fallait passer pour a war male bride : littéralement « une fiancée de guerre mâle de sexe masculin », l’administration militaire interdisant l’incorporation du conjoint de sexe masculin d’un officier de la branche féminine de l’armée.
Aussi invraisemblable que cela paraisse, cette aventure arriva à un officier français qui la relata dans une autobiographie. Hawks, maître incontesté de l’inversion des valeurs « masculin- féminin », était tout désigné pour tourner une comédie inspirée de cette histoire rocambolesque. L’homme infantilisé et la femme dominante fournissent au cinéaste le cocasse de situations dont il a le secret, déclinant ici les formes multiples d’une situation aussi incongrue. Cary Grant devra finir par endosser un costume de femme pour satisfaire aux exigences administratives. La virilité du mâle est ici mise à mal devant la femme à la répartie vive qui dirige le couple d’une main de maître.
M Le Maudit de Fritz LANG. Avec Peter LORRE. 1931 – vo-stf.
Mardi 28 mars 201
Ce film dont le titre initial « Les assassins sont parmi nous » dut être changé sur pression des nazis dépasse la fiction pour rejoindre le documentaire et la philosophie. Il interroge l’homme à partir de la pulsion de meurtre, par - delà le bien et le mal. M viole et tue des petites filles. Le film montre une véritable radiographie de la décomposition de l’Allemagne de Weimar où toute la société se dresse contre ce maudit, la pègre comme l’État. À chacun, sa stratégie et sa solution. L’État « Au nom de la loi » veut le juger pour l’enfermer, la pègre en une parodie de justice, le condamner à mort.
Le film s’inspire de faits criminels réels et subit l’impact du théâtre de Bertold Brecht dont L’opéra de quatre sous et Homme pour Homme, créé par Peter Lorre. Pionnier parmi les créateurs de formes cinématographiques, Lang innove aussi par la virtuosité du montage parallèle et par l’’usage du son dans ce premier film parlant. Quant à la voix et le cri de l’inoubliable Peter Lorre dans le rôle de M, ils n’atteindront presque jamais plus une telle puissance de déchirement et d’émotion à l’écran.
Encore/Once more de Paul VECCHIALI. Avec Jean-Louis Rolland, Florence Giorgetti, Pascale Rocard, Nicolas Silberg. 87 min
Mardi 25 avril 2017
Le film est construit en plans séquence représentant dix ans de la vie de Louis, père et mari qui quitte sa femme pour vivre son homosexualité au temps du sida. Le choix de mise en scène n’est pas que parti pris formel ou artifice, mais s’est imposé à Vecchiali comme nécessité organique, tant le sujet et la forme sont ici en osmose. Le fléau du sida, malédiction des temps modernes, est ici défié pour « Conjurer la peur, les contraintes, les effrois, écarter les oracles …On va s’aimer, encore et encore » chante le film. Vecchiali tourne le dos au pathos et au naturalisme sordides trop vus sur nos écrans.
Ici, on parle et chante vrai dans ce cinéma singulier, enchanté et lyrique qui ne travestit ni les douleurs, ni les souffrances, mais nous montre aussi le bonheur. Des comédiens (Jean-Louis Rolland, Florence Giorgetti, Pascale Rocard…) qui donnent une belle vérité intérieure à leurs personnages, à la superbe photographie du complice Georges Strouvé, tout concourt à nous faire retrouver, là où l’amour est vécu à mort, une cinémagie chaleureuse, sincère, dense, émouvante. Oui, « Vivez la vie, vivez l’espoir ! » et que le cinéma nous emporte !
Les raisins de la colère de John FORD. Avec Henry FONDA et Jane DARWELL . 1941- vo-stf
Mardi 30 mai 2017
Inspiré du roman de John Steinbeck auquel il reste très fidèle, ce road-movie raconte la saga d’une famille de paysans chassés de leurs terres par les banques. Les Joad jetés sur les routes en un cruel exode, partent pour la terre promise de Californie chercher du travail. Ils découvriront la dureté de l’exploitation et la famille se disloquera. Le spectateur n’oubliera pas les personnages de la famille Joad et les adieux entre Ma Joad (admirable Jane Darwell) et son fils (Henry Fonda) sont des plus poignants. Ces adieux étaient la fin voulue par Ford qui refusa de tourner celle exigée par la Fox.
Plusieurs séquences du film annoncent le néoréalisme avant l’heure. Ford montre la violence de l’exploitation dans une organisation du travail qui ne respecte pas les hommes et le cinéaste valorise les solutions du New-Deal. John Ford avec l’opérateur photo Gregg Toland a donné au film une très belle qualité (ombres projetées au sol liant l’homme à la terre, sources lumineuses visibles). Plaçant la valeur humaine au coeur de son récit, Ford s’est souvenu certainement de ces terribles famines irlanlaises que sa propre famille avait subies. La famille Joad ressemble à la sienne d’où cet amour, sa chaleur et sa générosité pour ses personnages. Ce chef d’œuvre a gardé toute sa modernité.
French cancan de Jean RENOIR. Avec Jean Gabin, Françoise Arnoul, Michel Piccoli, Patachou, Édith Piaf… 1955
Mardi 20 juin 2017
Après sa période américaine riche de chefs d’œuvre trop méconnus (Vivre libre, L’homme du Sud…), Renoir quitte les USA et en tourne trois nouveaux : Le fleuve en Inde, Le carrosse d’or en Italie et celui-ci en France.
Évoquant tout un Paris de la Belle Époque et la naissance du Moulin rouge, non sans nostalgie, il y retrouve Jean Gabin. Renoir y transfigure picturalité et théâtralité dans ce qui fait le cœur même du cinéma, le mouvement. La vision de Nini, la petite blanchisseuse dansant dans une guinguette, éveille en Danglard, directeur de cabaret, le désir et de là, l’idée de ressusciter le cancan pour l’offrir aux bourgeois rêvant de pouvoir venir s’encanailler. Où commencent et s’arrêtent la salle, les coulisses et la scène ? Danglard insatiable créateur, galvanise une énergie qui semble ne pas pouvoir s’épuiser en lui-même et Renoir cinéaste du jaillissement et du mouvement de la vie révèle ici ce qui l’anime et se renouvelle sans cesse. Éblouissant.
L. L