Paranoid Park est adapté du roman homonyme de Blake Nelson, écrivain de Portland, la ville où vit Gus van Sant. Le cinéaste fragmente le récit originel, mêlant thriller, plongée dans l’intime d’un adolescent meurtrier et éléments d’un cinéma quasi expérimental sur l’univers des skateurs. Ces derniers sont filmés en super 8, et parfois en une chorégraphie surprenante et stimulante, toute de poésie et de grâce. Pourtant, dans un subtil jeu d’équilibre s’opposant à cette légèreté, le film nous entraîne dans la gravité de l’aventure horrible d’Alex, jeune skateur. L’adolescent, pris entre innocence et culpabilité, entre apparente indifférence et trouble profond, porte le secret d’un crime. Autant de déchirures dans un être qui, par l’écriture, mettra en échec sa propre tendance à la fragmentation : la fin apaisée nous le montre délivré de ses tourments, mais le film saisit toute la violence d’une société qui fabrique aliénation et extrême solitude. Pas de leçon de morale. Gus van Sant ne juge pas, mais il pénètre au plus profond des affects d’Alex, il traque et épie les moindres gestes et expressions de l’adolescent. Le DVD Collector, qui sort chez MK2, est une édition dont l’image soignée est de très belle qualité : en bonus, un deuxième DVD propose une analyse du film par Luc Lagier, un making-off du film et un entretien avec Gus van Sant.
Laura Laufer
Article paru dans Rouge le 24/04/2008